Artaix - Château moderne des Sagets
et le Château de Pegon
Le château de "Pegon" (futur château des Sagets) était un ancien château fort situé à Artaix,
dans le département de Saône-et-Loire, en région Bourgogne-Franche-Comté.
Le seigneur Dalmace Ier de Semur, baron de Semur-en-Brionnais qui possédait la seigneuries d'Artaix a fait construire ce Chateau, il était ;
le fils de Geoffroy Ier de Semur et de Ne de Brioude, (Brioude, l'église d'Artaix est sous l'égide de St JULIEN de Brioude)
le père de Geoffroy II de Semur¹.
Il a épousé Aremburge de Vergy, fille de Gérard de Vergy, seigneur de Vergy, et d'Elisabeth¹.
Il a régné sur Semur-en-Brionnais de 1015 à 1048¹.
Il a été un bienfaiteur de l'abbaye de Cluny
Il a fondé plusieurs prieurés dans sa région².
Il a également participé à la première croisade avec son fils Geoffroy II².
Le château a été détruit pendant les guerres de religion au XVIe siècle et reconstruit au XVIIIe siècle dans le style classique, moderne.
Il est aujourd'hui une propriété privée et il n'en subsiste que des vestiges.
Voici quelques informations sur l'histoire du château de Pegon :
- Le château de Pegon était situé sur une colline à environ 2 km du bourg d'Artaix. Il était entouré de fossés et de murailles, et comprenait un donjon carré, une chapelle, une basse-cour et des dépendances¹.
Le château appartenait à la famille de Semur-en-Brionnais, qui était l'une des plus puissantes du Brionnais au Moyen Âge. Les seigneurs de Semur étaient les vassaux des comtes de Chalon, puis des ducs de Bourgogne. Ils avaient des droits sur plusieurs paroisses du Brionnais, dont Artaix².
- Le château de Pegon a été le théâtre de plusieurs conflits au cours de son histoire.
Il a notamment été assiégé et pris par les Anglais en 1364, pendant la guerre de Cent Ans.
Il a également été attaqué par les troupes du roi Louis XI en 1477, lors de la guerre contre le duc Charles le Téméraire¹.
- Le château a perdu de son importance à partir du XVIe siècle, avec le déclin de la famille de Semur.
Il a été vendu à plusieurs reprises, et a fini par appartenir à la famille Orsel des Sagets (voir ci-après), qui possédait également une maison à Artaix et Marcigny³.
Le château a été abandonné et pillé pendant la Révolution française, et ses pierres ont servi à construire d'autres bâtiments dans le village¹.
Le château des Sagets est situé à Artaix, dans le département de Saône-et-Loire, en région Bourgogne-Franche-Comté.
Il a été construit en 1841 par un architecte lyonnais André Miciol, pour la famille Des Sagets. Il s'agit d'une demeure de style néo-classique, avec des façades en pierre de taille, des toits à la Mansart et des fenêtres à meneaux. Le château est entouré d'un parc paysager avec des arbres centenaires et des bassins.
Extrait d'un journal ci après détaillé : Le château des Sagets serait reconstruit sans tarder, la nouvelle génération viendrait s’y installer. Un de nos oncles, M. Chenavard, architecte, avait construit plusieurs églises dans la région, entre autres, l’église de Roanne. Il fut consulté et fit un devis très onéreux. Ce devis fut jugé trop élevé, d’ailleurs notre oncle imbu des principes de l’architecture grecque, présentait un plan qui ne convenait guère au style des châteaux modernes. On fit appel à un architecte de la région, aux goûts plus modestes. Le plan et le devis furent acceptés
Mais le château des Sagets cache aussi un secret bien gardé : un trésor enfoui depuis des siècles dans ses souterrains. Selon la légende, ce trésor appartenait aux Templiers, ces moines-soldats qui ont participé aux croisades au Moyen Âge. Les Templiers auraient dissimulé leur richesse dans plusieurs endroits en France avant d'être persécutés et exterminés par le roi Philippe le Bel en 1307. Le château des Sagets serait l'un de ces lieux, car il se trouve sur une ancienne commanderie templière.
Le château des Sagets à appartenu à la famille ORSEL des Sagets (branche des ORSEL de Lyon)
Lucile Rué des Sagets
Famille des Orsel (de Lyon)
propriétaire du Château des Sagets sur Artaix
née à Marcigny le 20 novembre 1841
Décédée à Artaix le 10 octobre 1898
Parents:
Jacques Augustin Rué des Sagets 1807-1884)
Joséphine Marie Jeanne Claudine Bonnardet (1817-1903)
Union(s) et enfant(s)
• Mariée le 23 novembre 1863 à Artaix,(Saône-et- Loire, Bourgogne), France,
avec Henri Orsel des Sagets 1839-1914 (voir note) dont
Andrée Amélie "Alice" Orsel des Sagets 1864-1947
Gilbert Auguste Orsel des Sagets 1866-1912
Charles Orsel des Sagets 1867- 1927
Marie Joseph "Alfred" Orsel des Sagets 1868-1873
Maurice Orsel des Sagets 1870- 1951
Fernande Marie "Henriette" Orsel des Sagets, Cousine 1872-1946
Raphaël Orsel des Sagets
Eugéne Orsel des Sagets
Fratrie
Louise Sophie "Lucile" Rué des Sagets,Cousine 1841-1898
Charles Rué des Sagets
Notes
Notes individuelles
en 1863, 22 ans, lors de son Mariage, demeure à Artaix, chez ses Parents en 1864, 23 ans, demeure "aux Sagets" à Artaix Résidence au Château des Sagets à Artaix
en 1866, 24 ans, demeure à Lyon, 46 Rue deBourbon
en 1872, 30 ans, Propriétaire, Rentière, demeure à Marcigny en 1873, Rentière, demeure à Marcigny
Notes concernant l'union
en 1863, Mariage - vu AD - Pages 4 & 5 - P.Jame
Extrait de cahier de Souvenir de la famille, par R P Raphael Osersel des Sagets
Notre père Henri Orsel
Les débuts de la famille Orsel des Sagets.
C’est par l’intermédiaire de notre arrière-grand-père M. Louis Bonnardel, qui avait à Lyon, des amis communs avec la famille Orsel, que notre père fut présenté à Mlle Lucile des Sagets, appartenant à une famille terrienne du Charollais. Notre père n’avait pas de situation, ce qui était bien porté alors et qui fît pencher la balance en sa faveur, nos grands-parents voulaient d’ailleurs garder leur fille auprès d’eux. La propriété des Sagets, sise à 7 kilomètres de Marcigny (Saône-et-Loire), consistant surtout en belles prairies et en bois, notre grand’père paternel en avait hérité de ses parents, originaire de Digoin.
Elle était traversée par une petite rivière qui prenait sa source à la Pacaudière, cette rivière était remplie de verrons et d’écrevisses. Plus près du château, un étang d’environ 300 m de long sur 50 m de large étendait paresseusement sa nappe d’eau parallèlement à la route qui va de Chanay à Marcigny.
C’est dans cette propriété que le jeune Henri Orsel, jusque là citadin, s’accoutuma d’assez bonne grâce à la vie de gentilhomme campagnard. La fin du 2ème empire se passait dans une splendeur qui cachait bien des misères et des lacunes.
M’importe ! à 24 ans, on connaît la joie de vivre. Notre père, déjà passionné pour la chasse, un beau fusil neuf entre les mains, rêvait d’exercer son talent sur autre chose que sur des pies et des merles, seul gibier qu’il eut connu à Oullins dans le jardin de ses parents. Dès la première année de son séjour aux Sagets il prit un permis, habitude à laquelle il devait rester fidèle pendant plus de 40 ans.
Notre mère, beau type de Bourbonnaise, ( les Sagets formaient autrefois la limite du Bourbonnais et du Charollais ), était à la fois réfléchie et d’un esprit très vif. D’une insigne piété, elle ne pouvait souffrir qu’on portât la moindre atteinte à la religion. Quand elle entendait les paysans jurer en menant leurs bœufs, elle allait droit à eux pour les semoncer. Ceux-ci acceptaient docilement la réprimande. Pourtant un jour, l’un d’eux lui répondit pour s’excuser : « mais, Madame, si je jurons point, y ne voudront point martchi ( marcher )… » Dès lors elle comprit + qu’ils avaient moins de malice que d’ignorance, et elle fut plus indulgente. Elle faisait des rouleaux de pièces de 10 centimes pour ses aumônes et elle donnait de préférence aux personnes pauvres chargées de famille. Elle faisait de la propagande pour la cause des familles nombreuses. Une paysanne avait 4 enfants, ma mère lui dit : « et bien mère B…, si le bon dieu vous en envoyait encore d’autres, est-ce que vous seriez contente ? » - « oh ! oui, lui répondit celle-ci un peu perplexe, j’aimerais mieux en avoir 15 que n’en poin n’avoir » Déjà longtemps avant son mariage, les paysans l’appelaient : « la bonne Demoiselle » Nous en reparlerons dans la série des portraits. Un prêtre, M. L’abbé Bonnamour, curé d’Artaix, bénit l’union nuptiale, le ciel y ajouta aussi sa bénédiction, et après un an de mariage, vint au monde une petite fille un peu menue, mais bien jolie, qui fut appelée Alice (1). Dieu l’avait douée d’une incontestable sens de l’autorité, dont elle devait d’ailleurs profiter pour être l’ange gardien de ses frères et sœurs.
le foyer s'agrandit Lyon Marcigny
Le foyer s’agrandit Lyon . Marcigny
J’ai toujours été un peu sceptique en lisant les écrits humoristiques de certains auteurs, concernant les rapports difficiles entre gendres et beaux-pères, ainsi qu’entre belles-mères et belles-filles. C’est pourquoi je crois devoir attribuer à d’autres raisons qu’à une incompatibilité d’humeur, le départ de nos parents pour Lyon, vers l’année 1866. La maison des Sagets tombait en ruines, rien n’y était aménagé contre le froid, et la santé des futurs bébés pourrait en souffrir. De plus, Lyon était le pays d’origine de notre père, il y comptait encore ses parents, et le désir de se rapprocher d’eux a dû certainement influer sur sa décision (2).
L’année suivante vit donc à Lyon la naissance d’un garçon, il fut appelé Gilbert, nom souvent porté par les de Sagets. Une honnête Piémontaise nommée Marianne, lui servit de nourrice. Il faut croire qu’elle était de bonne constitution, car le bébé qu’elle nourrit de son lait fut le plus vigoureux de nous tous. (1) date 1865 (2) L’installation à Lyon dût se faire dans l’hier 1865-1866 2 + Sa force physique devint même proverbiale dans la région Charollaise.
Un troisième bébé vint en son temps ( 1867 ), ce fut Charles Orsel, qui eut pour parrain M. Charles des Sagets, son grand’oncle maternel. Celui-ci était plus âgé de 4 ans que son frère Auguste. A la mort de ses parents il s’était partagé avec lui la propriété des Sagets, et s’était installé dans la partie voisine de Chenay qu’on appelait l’hôpital tenu par des religieuses. Il demeurait alors à Lyon. Plus artiste qu’entendu en affaire, il n’avait pas tardé à se séparer d’un de ses associés en commerce, M. Forez, avec lequel il avait consenti à avoir pendant un certain temps, partie liée (1). Pour le reste, il excellait en tout ce à quoi il voulait bien s’appliquer. Il s’assimilait les connaissances les plus diverses avec une facilité extraordinaire. Quelles années lui suffirent pour apprendre le violoncelle, au point d’être recherché dans les concerts les plus en vogue. Toujours désireux de rendre service et ayant déjà le sens social, bien avant que le mot existât, il réunissait les hommes de Semur chez lui afin de les former à la musique. Sous sa direction la fanfare prit beaucoup d’extension. Il venait surtout aux jours de fête rehausser les cérémonies de la vieille église ce qui attirait de nouveaux assistants à la grand’messe. L’idée vint un jour à notre oncle d’empailler de petits oiseaux, il acquis dans cet art une réputation méritée. Les édiles de la ville de Lyon, ayant entendu parler de son talent, lui confièrent le soin d’empailler une lionne tirée dans une de nos colonies d’Afrique. Il s’y prêta de bonne grâce, et le musée lyonnais ne tarda pas à s’enrichir d’une œuvre d’art, mon père m’a souvent montré cette lionne à l’angle d’une des salles du musée. Cependant notre père, après un séjour de quelques années à Lyon, prit la nostalgie du pays de sa femme, et se disposa à revenir dans le Charollais.
Sur ces entrefaites, notre grand’père, qui se proposait de faire reconstruire les Sagets, avait loué la maison de M. de Vichy, située non loin de la maison des frères, près de la poterie Henry. C’est là qu’il mourut en 1883.
Quant à la grande maison qu’il possédait place du Cours, il la mit à la disposition de (1)De l’union de M. Charles des Sagets avec Irma Forez devait naître Marie des Sagets, d’une insigne piété, elle mourut jeune. son gendre et de sa fille. Cette maison apparemment du XVIII ème siècle était de style Louis XV. Elle conservait encore les petits carreaux de fenêtres de cette époque. La salle à manger était en face de la porte d’entrée, et séparée du vestibule par une double porte vitrée. Le salon était à gauche, une glace au dessus de la porte, faisait face à une autre glace sur le mur opposé du salon, en sorte que celui qui entrait voyait son image multipliée indéfiniment, ce phénomène d’optique m’intriguait beaucoup quand j’étais enfant, et la première fois, j’eus grand peur. Le grand escalier en pierre qui montait au premier était usé par les pas de ceux qui l’avaient monté et descendu pendant des générations. C’est dans cette maison que devaient naître les 4 enfants suivants : Alfred (1869), Maurice (29 mars 1870), Henriette (2 janvier 1872) et Raphaël (1 sept 1874). Tout ce petit monde poussait à vue d’œil, les batailles étaient fréquentes entre les enfants et le vacarme était alors assourdissant. Heureusement, un grand jardin, d’un hectare environ s’offrait à eux pour pendre leurs ébats sous l’œil vigilant de leurs bonnes, tandis que leurs parents pouvaient recevoir leurs visites ou vaguer tranquillement, soit à leur correspondance, soit aux soins du ménage.
Un ruisseau (1) venant de Semur et endigué par deux murs de pierre, assez bas, longeait le jardin. A quelques mètres de la maison, en amont, il alimentait un moulin. En regardant ses grandes ailes se mouvoir sous l’impulsion du vent, nous aimions à chanter la chanson : « Meunier, tu dors, ton moulin va trop vite… » Ce ruisseau avait Quelques petits poissons, et même des sangsues, précieux trésor pour les pharmacies, mais nos parents ne songeaient guère à tirer profit de ces intéressants animaux, le peuple aurait crié au scandale et considéré cela comme une injure faite aux prolétaires, tel était bien souvent l’état d’esprit à cette époque. De nombreuses treilles de vigne ornaient les murs du jardin, elles nous donnaient d’excellents raisins de table, mais sans suffire complètement à nous alimenter en vin. Une année pourtant, notre (1) Ce ruisseau était si malpropre qu’on avait changé son ancien nom, mare d’Alson, en celui de « Merdasson ». Un proverbe déjà vieux disait : Entre Merdin et Merdasson, Semur et Marcigny sont. ( note de ma sœur Henriette ). + père réussit à tirer 3 pièces, ce dont il était légitimement fier. Avant que le vin ne fermentât, il nous appelait à la cave en criant : « Venez enfants, venez boire du vin nouveau ! » Nous accourions à toutes jambes, et tout en dégustant notre verre, nous disions naïvement entre nous : « Si c’est cela le vin pur, c’est vraiment très bon, mais pourquoi à table, nos parents y mettent-ils tant d’eau ? » Les poupées. La grande Marie Une vielle bonne, nommée Adèle, recueillie par charité, était préposée à nos jeux d’enfants, elle nous les distribuait et les rangeait quand nous avions fini de jouer. C’était naturellement à qui aurait la plus belle poupée, à qui la soignerait le mieux, et quand nos parents nous amenaient en visite, nous les emportions avec orgueil et nous les comparions à celle des autres enfants. Alors on assistait à des querelles d’amour propre qui dégénéraient facilement en pugilats. Les petites de Challonge (1) s’entendaient à nous griffer, mais nous le leur rendions avec usure par des taloches magistrales. Nos bonnes intervenaient pour calmer les esprits, si malgré tout elles n’y 3 arrivaient pas ou si les têtes s’échauffaient, chaque bonne prenait parti pour son petit protégé et abrégeait le visite, et l’on revenait tout de même assez déconfit à la maison, car nous aimions bien les visites. Il y avait à Marcigny une vieille femme, le front tout ridé, l’air très sévère et qui nous faisait grand’peur. On l’appelait la grande Marie, elle avait la réputation d’enfermer les enfants dans une cave et de manger ceux qui étaient trop récalcitrants : « Je vais appeler la grande Marie ! », nous disait-on, quand on était à bout d’arguments. Sa vue seule suffisait à nous faire tenir tranquille. Pourtant, à mesure que nos frères grandissaient, leur terreur de la grande Marie diminuait, ils ne l’avaient jamais vue manger des enfants. Une fois même, ils se mirent à se moquer d’elle en passant, j’étais effrayé pour eux, mais comme cette prétendue ogresse se contentait de leur monter le poing en roulant ses gros (1) Dans ces réunions d’enfants, on comptait aussi les petites de Lafège, de la Tour etc… Les enfants de Cavailhès, berland, plus âgés avaient le privilège d’être admis dans le cercle des parents. + yeux, je commençais aussi à devenir sceptique à son sujet. Il fallut trouver d’autres moyens de nous assagir. Qui n’a pas entendu parler du martinet comme instrument de correction ?. Bien entendu, nos parents avaient un martinet, nous ne le savions que trop. Mais où était sa cachette ? longtemps nous l’ignorâmes. Un jour cependant, l’un de nous le découvrit au-dessus d’une armoire. Ah ! c’était donc ça cet instrument qui nous inspirait tant d’effroi et nous causait tant d’ennuis ? … qui surgissait inopinément à chaque nouvelle peccadille ? … Le faire disparaître, il n’y fallait pas songer, nous serions punis doublement. On tint conseil. Il fut décidé que tous les 3 ou 4 jours on enlèverait une lanière au martinet, de la sorte, tout au moins, il ferait moins mal, les grands nous recommandèrent de les laisser se charger de l’opération, nous pourrions gâter le métier. De fait, pendant un certain temps, tout se passa bien, les douleurs causées par l’instrument étaient moins vives, les parents ne se doutaient de rien. Malheureusement les petits n’observèrent pas la consigne, eux aussi arrachèrent quelques lanières de cuir, si bien qu’à la longue, les parents s’aperçurent de la supercherie, ils n’avaient plus entre les mains que le tiers d’un martinet. Ils en achetèrent un neuf et nous n’y gagnâmes rien. Mais revenons un peu en arrière. La guerre de 1870 avait peu éprouvé notre région, il était bien rare de rencontrer un ‘‘casque à pointe’’ dans le pays. Notre père, qui avait tiré au sort un bon numéro, devint garde national, sa défense de la patrie consistait à faire l’exercice une fois par semaine sur la grande place de Marcigny. Il avait pour capitaine un homme demi-cultivé, jardinier de son métier, nommé Mariotte, et qui avait travaillé quelque temps chez lui. Les fautes d’élocution du capitaine n’étaient point rares, mais le soldat lui obéissait et écoutait sans broncher ses commandements et ses observations, tant il est vrai que la lutte pour un idéal commun rapproche les distances ! . Pendant longtemps après la guerre, le fameux uniforme de garde national réajusté, remis à neuf et garni de boutons armoriés, serrent de livrée à notre domestique. Il le portait d’ailleurs avec une noble fierté
Les derniers temp du séjour à Marcigny. Retour aux Sagets
Les derniers temp du séjour à Marcigny. Retour aux Sagets
Cependant, notre mère, bien qu’habitant Marcigny, l’attristait de vivre encore séparée de son père et de sa mère, avec lesquels elle n’avait que de rares communications. Un arrangement se fit entre les beaux-parents. Le château des Sagets serait reconstruit sans tarder, la nouvelle génération viendrait s’y installer. Un de nos oncles, M. Chenavard, architecte, avait construit plusieurs églises dans la région, entre autres, l’église de Roanne. Il fut consulté et fit un devis très onéreux. Ce devis fut jugé trop élevé, d’ailleurs notre oncle imbu des principes de l’architecture grecque, présentait un plan qui ne convenait guère au style des châteaux modernes. On fit appel à un architecte de la région, aux goûts plus modestes. Le plan et le devis furent acceptés. La famille Orsel resta provisoirement à Marcigny. De son coté, M. Auguste des Sagets louait à bail une maison à Marcigny, non loin de l’école des frères. Les enfants fréquentaient cette école comme externes, nous aurons l’occasion de revenir plus tard sur ce sujet. A la maison, la vie de piété n’était pas oubliée. Notre mère nous apprenait et nous faisait réciter des prières, assez courtes pour les plus petits, plus longues pour les plus grands. Lorsqu’elle-même était empêchée de nous les faire réciter, elle confiait ce soin à la bonne, mais pour rien au monde, elle ne nous aurait laissé omettre les prières du matin et du soir. C’est là que dès l’âge de 3 ans, j’appris à réciter le Notre Père, le Je vous salue Marie, et le Souvenez-vous. Cette dernière prière présentait pour moi quelques difficultés. Je regrettais de ne pas tout comprendre. Un jour, je n’y tins plus : « Qu’est-ce donc, lui demandais-je, que mon homme de prière ? Vous me faites dire : Ne méprisez pas mon homme de prière. Quel est-il cet homme ? Il n y pas d’homme de prière, me répondit-elle… je te fais dire : ne méprisez pas mon humble prière » Je ne compris pas ce terme ( l’humilité, d’ailleurs n’était pas mon fort ) mais pour ne pas paraître ignare, je n’osais pas insister et je me déclarai satisfait. A l’église de Marcigny, en plus des offices du dimanche, nous allions souvent le vendredi, entendre le chemin de croix. Quand nous étions chez les frères, ceux-ci nous y menaient eux-mêmes chaque vendredi de Carême. Nous 4 entendions alors le vénérable curé monsieur Rocher, lire du haut de la chaire, avec une fonction toute sacerdotale les stations du chemin de la Croix, et peu à peu la piété entrait dans nos petites âmes. Je ne parle pas des heures nombreuses que notre mère passait aux œuvres de charité, notamment à faire des tricots, des layettes, des chaussettes pour les enfants pauvres. Dieu seul en a compté le nombre. Très artiste, elle faisait aussi répéter une fois par semaine, des hymnes et des cantiques, soit latins, soit français, aux chanteuses de la paroisse, pour les messes du dimanche et les solennités. Le jeune vicaire, M. l’abbé Manier, futur évêque de Belley, était l’animateur des œuvres paroissiales. M. l’abbé Ramage devait lui succéder et devenir ensuite curé de St Martin du Loire. Pendant ce temps, les travaux pour la reconstruction des Sagets furent menés rapidement, des chênes élevés, coupés dans les bois Sagets, devaient servir aux poutres de la toiture et des plafonds. Alignés transversalement dans l’avenue, dont ils couvraient la moitié de la longueur, ces géants de la forêt, couchés à terre, présentaient un aspect imposant. Commencée en 1878, la réparation était terminée l’année suivante.
Notre père qui avait rapporté de son voyage en Italie, des pierres et ornementations armoriées trouvées dans les ruines des châteaux ayant appartenu aux Orsel de Saluces tenait à faire encastrer dans la maçonnerie un ours lampassé en marbre blanc. Pour lui, c’était un mémorial des splendeurs passées et en quelque sorte un trait d’union avec l’avenir. Notre grand’père hésita beaucoup, il avait fait son prix avec l’architecte et ne voulait pas changer de devis. Toutefois il décida, sur les instances du gendre, non sans avoir lâché cette boutade : « Nous n’avions pas l’ours l’an passé (lampassé), mais nous avons bien l’ours de cette année ! » Cet ours fut incrusté dans le perron de la bibliothèque, construit à cet effet. (1) Lorsque les murs furent suffisamment surs, nos parents s’installèrent dans les nouveaux locaux avec leurs enfants et leurs beaux-parents. (1879) Les Sagets ! c’était de nouveau la campagne, isolée d’un kilomètre (1) Cet ours lampassé orne maintenant l’une des façades de la cour d’honneur du château de la tour des Echelles, propriété des Orsel-Guérin, successeur des Maupetit-Orsel. + au moins de toute habitation. Seule notre sœur Alice pouvait s’en souvenir. Au moment de la belle saison, l’on retrouvait grand’père et grand’mère, un peu affaiblis par l’âge, mais promettant encore plusieurs années de vie. De par la volonté des aînés, les enfants étaient divisés en 2 catégories : les grands, qui comprenaient Alice, Gilbert et Charles, les autres étaient les petits ou plutôt les accrocs, on nous appelait accrocs, soit parce que nous étions accrochés à leurs trousses pour les suivre partout, soit parce que nous étions pour eux des gêneurs et des impedimenta.
S’agissait-il d’organiser une excursion ou une pêche dans la Loire, il fallait faire presque 3 kilomètres à pied pour aller et autant pour le retour. C’était beaucoup pour nos petites jambes, surtout à l’allure dont nos aînés nous menaient. De plus, nous étions incapables d’ajuster une ligne ou des hameçons, nous pleurnichions jusqu’à ce que les grands nous prêtent les leurs. Nous étions des ‘‘accrocs’’. Mais nous restions en éveil et lorsque nous les entendions parler, même à mi-mots d’une promenade vers la Loire, vite l’un de nous était chargé de se mettre en faction et d’indiquer aux autres le moment du départ. Les grands cherchaient à nous dépister et partaient à l’improviste dans l’avenue à vive allure… Nous nous élancions sur leurs traces, mais la plupart du temps nous étions obligés de revenir sur nos pas, tristes et maugréant. Ma sœur Henriette et moi, nous nous consolions en devisant sentimentalement de la maison au gros chêne, (1 ) ou du côté de la rivière des Bayons
l'avenue, le gros chêne, la rivière
L’avenue. Le gros chêne. La rivière.
Notre avenue avait environ 400 mètres de long. Elle était terminée par un portail en fer, que l’on tenait ordinairement fermé du temps de nos grands-parents, de la sorte les gens du dehors, les fermiers eux-mêmes n’étaient pas tentés de passer par l’avenue, et aucun danger de prescription n’était à craindre. C’est là que je fis mes premiers exercices d’équitation, sur un âne plus têtu que fringant. Un jour, mon domestique, voulant éprouver si je me tenais bien sur son dos, se mit à courir derrière l’animal avec deux arrosoirs qu’il choquait l’un contre l’autre. (1) Nos parents nous défendaient ordinairement de dépasser le gros chêne, à quelque 80 m de la maison. + L’âne effrayé s’engagea sous les sapins au grand trot. Pour ne pas heurter une branche très basse, je dus m’étendre à plat ventre sur lui, et si j’avais eu autant de cheveux qu’Absalon, peut-être serais-je resté suspendu en l’air. Mais je ne tombai pas, dès ce jour, ma réputation comme cavalier était faite, et malgré ma mauvaise humeur que me causa cet incident, j’en éprouvai une légitime fierté. Cette parenthèse terminée, revenons à notre avenue, elle était sur la plus grande partie de son parcours, entourée de haies et de sapins, sauf à 150 mètres environ de la maison où s’offrait sur la gauche un petit bois de chênes. Le premier arbre qui s’y présentait à la vue était un chêne de dimensions plus qu’ordinaires, que l’on appelait ‘‘le gros chêne’’. Nous nous mettions à cinq pour l’encercler par les bras, et nous n’y arrivons pas. Il avait, si je m’en souviens bien, 5m95 de tour.(1) Depuis lors, le gros chêne a été frappé par la foudre, voilà pas très longtemps. Averti du fait, je ne croyais plus voir en lui qu’une ruine, mais il s’est remis de ses contusions et de ses brûlures, et il est encore assez vigoureux pour nous enterrer, nous et au moins deux générations qui suivront. Ma sœur Henriette et moi, nous n’osions guère, dans un premier temps, aller plus loin que ‘‘le gros chêne’’ pour ne pas enfreindre la défense de nos parents. Au bout de cette allée, un petit sentier descendait à droite jusqu’à la rivière au lieu dit : Le Brigalin. Que de souvenirs cette rivière nous rappelle encore ! Nos grands frères, que l’on amenait parfois aux Sagets, même du temps de la résidence à Marcigny, se souvenaient, pendant leurs vacances, d’y avoir pris de beaux poissons. Mais un jour une mégère, rêvant de faire fortune, avait mis de la chaux près de la source, et les poissons, le ventre en l’air, offraient une proie facile à ceux qui voulaient les ramasser. Adieu la pêche pour plusieurs années seuls survécurent de petits verrons et surtout des écrevisses, à qui leur caractère amphibie permettait de sortir de l’eau quand elles étaient trop incommodées. Peu à peu la rivière reprit son caractère normal, et la pêche à la ligne nous réserva bien des joies. Nos cousins Magnin et du Souzet s’annonçaient-ils ? vite on organisait une partie de pêche à la ligne, et si nous n’étions pas les rois de la pêche, ce qui arrivait bien rarement aux ‘‘accrocs’’ nous (1) On croit généralement que son origine date de Henri IV. Quelques-uns uns le font même remonter jusqu’à François 1er . + avions du moins la satisfaction d’avoir aidé aux préparatifs, nous y aidions à notre manière en prenant des vers, et nous faisions gravement aux invités les honneurs de la rivière. Surtout, nous faisions honneur au repas, savourant avec les poissons la joie de les avoir pris. Quand nous pêchions aux écrevisses, il fallait aussi préparer les balances. Nous pensions que plus la viande était fétide, plus nous aurions de chances de prendre des écrevisses. D’amères désillusions nous apprirent bientôt que la viande faisandée ne tentait guère ces crustacés, et qu’il leur fallait au contraire de la viande fraîche. Alors nous profitons d’un voyage à Marcigny pour demander à la bouchère (la Morel) de la tête de mouton, nous le faisions avec notre plus gentil sourire. La bouchère après avoir un peu parlementé se laissait tenter, car elle tenait à notre clientèle, et nous accordait ce que nous lui demandions. Toutefois, ne voulant pas nous faire un cadeau trop royal, elle enlevait préalablement la cervelle, en nous persuadant que ce ne serait d’aucune utilité pour la pêche. Un jour, je tombais sur un endroit exceptionnellement bon pour les écrevisses, à chaque coup de balance, j’en retirai une dizaine ou même plus. Notre domestique, nommé Lacroix, auquel je comptai ma stupéfaction, me donna le mot de l’énigme.
Quelques jours auparavant il avait surpris en flagrant délit un pêcheur professionnel et lui avait fait verser son sac dans la rivière. Comme la tournée avait commencé à la Pacaudière, le butin était copieux, le sac en contenait environ 500. c’était précisément en cet endroit merveilleux que j’avais mis une de mes balances, plus de 3 douzaines d’écrevisses en une demi-heure, n’était-ce pas un record, (1) D’autres fois, on pêchait les écrevisses au feu. Chacun, muni d’un falot et d’un petit sac, s’avançait à pas comptés sur les bords de la rivière, après la tombée de la nuit. Quand on voyait une écrevisse dormant dans l’eau (ordinairement à quelques centimètres seulement de fond), on la saisissait prudemment par la carapace (1) Je suis, quelque 20 ans plus tard, par l’un de ces maraudeurs de pêche, rencontré en chemin de fer, que les gendarmes de Marcigny eux-mêmes ne craignaient pas de leur acheter avec un peu de rabais, une partie de leur butin. Le brigadier Bl…, entre autre, qui ne jurait que par la loi, lui en avait acheté un jour une douzaine pour 0,25 cts. Heureux temps ! + du dos, entre le pouce et l’index, et on la mettait dans le récipient. La première pêche au feu fut particulièrement fructueuse. Tout le monde devait y aller, mais ma bonne m’avait conté tant d’histoires de brigands, les jours précédents, que pour rien au monde je n’eusse voulu aller sur la lisière du bois, pendant la nuit. Frères et sœurs s’unirent pour essayer de me décider, rien n’y fit. Le lendemain matin, je constatai que tous étaient bien revenus vivants de l’équipée. On me fit deviner combien d’écrevisses avaient été prisées, les chiffres que je donnais étaient toujours au-dessous de la réalité. Enfin, ayant donné ma langue au chat, j’appris que le panier en contenait presque 200, soit exactement 199. Alors j’en conçus un vif dépit, et je résolus d’être plus brave une autre fois. (1)
Le bois des Bayons, la pipe, l'étang
Le bois des Bayons. La pipée. L’étang.
Le long de la rivière, sur un espace d’environ 500 mètres, s’étendait le bois des Bayons. Ce bois, d’une trentaine d’hectares, et assez fourré, donnait un asile sûr à beaucoup de lièvres, ils s’y plaisaient probablement à cause de la rivière, où ils pouvaient se désaltérer. Mais cela faisait aussi surtout la joie des braconniers, car notre père préférant la chasse à la perdrix, y allait peu. De notre côté, nous avions bien rarement l’occasion de chasser aux chiens courants, il eût fallu pour cela demander le chien d’un voisin, et nous n’y tenions pas, pour ne point lui donner un droit sur notre domaine. La chasse à l’affût, par son mystère même et son imprévu, nous plaisait beaucoup, aussi quand mes frères se mettaient à organiser une pipée, c’était à qui demanderait à se joindre à eux. Un jour, ils nous annoncèrent qu’ils nous invitaient à une pipée pour le lendemain soir, ils avaient tout préparé, la glue, les arbres et même les branches qu’ils devaient engluer. Ils avaient même fait une cabane très confortable avec des branchages, et l’avaient mise à une distance réglementaire des arbres englués, afin de pouvoir (1) Une fois, ayant appris que Gambetta s’était fait servir avec les amis, un plat de queues d’écrevisses, nous voulûmes nous offrir ce luxe. En 3 ou 4 pêches, nous en prîmes plus de 400, nous eûmes ainsi un copieux plat de queues d’écrevisses, et nous pûmes faire la nique à nos édiles républicains. + 6 au besoin tirer les oiseaux qui chercheraient à s’échapper. Nous acceptâmes tous, excepté mon père, homme de principes, qui ne considérait pas la pipée comme de la vraie chasse. Peut-être aussi avait-il trouvé quelque vieux texte de loi interdisant la pipée, et comme maire, il se devait de donner l’exemple du respect des règlements. Notre grand’mère, âgée de 71 ou 72 ans, voulut bien être de la partie, et je crois fort que grand’père, s’il n’avait pas été cloué sur son fauteuil par ses rhumatismes, aurait trouvé le moyen d’y venir aussi. Les aînés nous recommandèrent le plus grand silence. On s’était muni d’appeaux afin d’attirer les oiseaux, ces appeaux imitaient le cri de la chouette. Les chasseurs savent qu’avant la tombée de la nuit, si une malheureuse chouette vient à faire entendre sa voix, les oiseaux des bois s’attroupent pour lui faire le plus étonnant charivari qui se puisse imaginer. Quand la nuit est tout à fait tombée, ils rejoignent prudemment leur cachette nocturne et se tiennent coi. Quand toute la famille, la grand’mère y comprise, fut installée dans la cabane, le signal de la pipée fut donné, les appeaux fonctionnèrent dans le silence impressionnant du bois. Bientôt le vacarme commença, des oiseaux empêtrés dans la glue, poussaient des cris assourdissants, les pic-verts surtout dominaient les autres, les geais et les pies y allaient aussi de leur concert. De temps en temps un coup de feu retentissait et l’on entendait le choc mat d’un oiseau tombant à terre. On voulait applaudir, mais les grands frères, gesticulant, nous faisaient signe d’observer la consigne du silence. L’odeur de la poudre nous grisait tous. Enfin au bout de ¾ d’heure, quand on distinguait à peine son voisin, on alla constater le tableau de chasse. 3 ou 4 geais et autant de pies, des merles, des pic-verts et des pies-grièches, tel fut le bilan de la soirée. Certain de ces bipèdes emplumés ne se laissèrent prendre qu’après une vive résistance ou une poursuite mouvementée, on en fut quitte pour quelques coups de griffes et de bec. Nous coupâmes le fil de la langue à un pic-vert et essayâmes de l’apprivoiser. Le reste fut mangé ou donné en pâture aux animaux de la basse-cour. Autrefois notre étang ne contenait que des carpes. Comme ces poissons se multiplient beaucoup, il y en avait un nombre prodigieux, il suffisait de poser sa ligne pour voir mordre à l’hameçon. Alors, c’étaient de belles fritures que nos aînés rapportaient à la maison. Quant aux ’’petits’’, ne sachant comment s’y prendre pour se procurer des hameçons, il leur arriva d’en prendre avec une épingle recourbée. Mais un jour, l’idée vint à notre grand’père d’y mettre des brochets, parce que leur chair était plus appréciée, ces brochets, très voraces, vidèrent, en moins d’un an l’étang des ¾ de son contenu, seules survécurent les grosses carpes. Les brochets eux, ne se multiplièrent pas aussi aisément, car ils se livrèrent entre eux une guerre sans merci, s’attaquant parfois à des congénères aussi gros qu’eux-mêmes, dont la queue, après déglutition, leur dépassait encore la bouche. Il fallut s’aventurer jusqu’à la Loire pour pêcher à la ligne volante. Plusieurs d’entre nous, les aînés surtout, y acquirent une certaine habilité, l’expérience leur apprit que le poisson ne se prenait bien à la mouche artificielle que s’il sentait un appât vivant, souvent, en effet, il se contentait de flairer l’appât, faisait la petite bouche et s’en allait. Sur le conseil des aînés, nous ajoutâmes donc à l’appât, au bout de l’hameçon, une tête de sauterelle ou une mouche vivante, et le résultat fut des plus satisfaisants. Quand nos parents voulaient avoir un beau poisson pour le vendredi ou à l’occasion d’une réception, on pêchait au gille. Le gille est une sorte de grand épervier dont un tiers environ devait être accroché à l’un des flancs du bateau tandis que le reste, descendant par son propre poids, était traîné par le fond. Une fois l’engin convenablement disposé, deux hommes, debout à chaque extrémité du bateau et munis d’une gaule (1), faisaient glisser le bateau transversalement sur l’eau, le gille, naturellement, suivant le mouvement imprimé et glissait sans bruit, lui aussi, au fond de l’eau. Un pêcheur, debout au milieu du bateau, tenait la corde du gille et se tenait attentif au moindre mouvement du filet. Si un gros poisson s’engageait dans les poches, il tentait, cela va de soi, de se dégager et donnait des secousses au filet. Celui qui tenait la corde disait aussitôt : « ça donne ! » Le filet était décroché du bateau, on prenait du large et celui qui tenait la corde ramenait à lui comme pour un épervier ordinaire. Le silence s’établit alors, comme dans l’attente des grandes choses. Il y a un moment d’intense émotion, c’est lorsque les deux (1) longue perche en bois + tiers du filet sont déjà ramenés sur les bords du bateau, et que l’on devine à l’agitation de l’eau les belles pièces qui vont bientôt palpiter dans les mailles aux pieds des pêcheurs. Nous prîmes ainsi de belles carpes, dont la moindre dépassait 5 livres, ainsi que des petits brochets. Très peu de brochets dépassaient une livre. Comment expliquer cela, sinon parce que les brochets mis primitivement ne laissèrent pas leur progéniture se développer et s’empressèrent de les croquer avant qu’ils n’eussent pu devenir un danger pour eux-mêmes. L’instinct de la conservation explique ce phénomène, et maintient, après tout, un équilibre normal dans les étangs et les rivières. Les humains ne se mangent pas, du moins depuis un certain temps, pourtant leurs ambitions provoquent les guerres, et celles-ci se chargent d’empêcher, hélas, la terre d’êtres surpeuplée. Pour terminer la question de la pêche, disons que notre frère Gilbert tuait aussi parfois des carpes avec son fusil, d’une façon peu banale, il introduisait au bout du canon une fléchette, rattachée elle-même à un peloton de grosse ficelle, qui se détachait quand le coup partait. Gilbert manquait rarement son coup, le poisson transpercé par le milieu du corps, était ramené sur le bord de l’étang, sans que le chasseur ait eu à tremper le bout de ses chevilles dans l’eau.
Nos amis de Marcigny et des environs
Nos amis de Marcigny Et des environs.
Nous avions des amis à Marcigny, ce qui les intéressaient surtout, c’était de sortir de leur petite ville, pour aller à la campagne. Nous organisions donc de temps à autre, avec eux, des pique-niques. On voyait alors arriver aux heures convenues, les Relaves, les Berlands, les uns avec de la volaille, les autres avec une terrine de foie gras, d’autres apportaient des fruits ou une salade russe, ce qui était le grand genre, à l’époque. Un bain de Loire nous mettait en appétit avant le repas. Ensuite, les jeunes disposaient toutes choses pour le déjeuner froid. Il arriva un jour qu’en déballant le menu, 3 des invités avaient apporté un jambon. Trois énormes jambons à manger, c’était vraiment la carte forcée. Il fut décidé que dès lors on se concerterait d’avance sur le choix du menu, et pareille mésaventure ne se renouvela pas. Au cours de ces repas, l’esprit gaulois ne perdait jamais ses droits. Monsieur Relave, prince sans rire, émérite, avait toujours quelque bonne anecdote à servir, ce qui lui valait parfois de douces réprimandes de Madame Relave, mais tout cela n’allait jamais bien loin, la seule présence de ma mère tempérait les conversations. M. de Cavailhès contait quelque affaire de chevaux, sa fille, Mademoiselle Irène de Cavailhès, d’une imagination plus qu’ordinaire, nous parlait de navires de 2 km de long, qu’elle avait vus dans un port de la Manche. Mes frères faisaient gorge chaude en disant que la chose n’était pas possible, que 200 m était déjà bien joli. Alors les évaluations premières devenaient plus modérées, finalement on entrait en composition pour obtenir une formule plus raisonnable. Après le repas, l’on s’évertuait à trouver quelque ’’jeu de société’’. Le plus en vogue parmi nous était le jeu des Députés, deux groupes se formaient en nombre à peu près égal, chaque groupe désignait parmi ses membres un délégué pour le but dont nous allons parler. Ceux-ci allaient à l’écart et s’abouchaient entre eux pour faire deviner chacun au groupe opposé à celui dont il faisait partie, une personne, une chose, un événement quelconque etc… Ils revenaient ensuite chacun dans le groupe ennemi. Les personnes qui composaient ce groupe leur faisaient des questions auxquelles ils devaient répondre seulement par oui ou par non. Quand un groupe avait deviné le premier, il gardait son délégué et s’enrichissait du délégué du camp adverse. On recommençait ensuite avec deux autres délégués. La partie définitive était gagnée quand un groupe avait absorbé tous les membres du camp adverse, la partie finissait faute de combattants et la victoire était proclamée. D’autres fois on jouait à des jeux d’agrément, « je vous passe mon corbillon, qu’y met-on ? Comment l’aimezvous ? Qu’en faites-vous ? » Le questionneur faisait le tour des personnes présentes, et devinait selon les réponses. Ou bien encore, on distribuait de minces feuilles de papier sur lesquelles étaient inscrits les membres de phrases suivants « Monsieur… s’est rencontré avec M… ou Md… Le premier a dit… le second a répondu… Il en est résulté… » Chaque membre de phrase devait être complété par une personne différente, à l’insu du voisin. Un pli soigneusement aménagé maintenait le secret, en sorte que les situations les plus complexes, les plus inattendues se nouaient et se dénouaient, provoquant, au moment du dépouillement général, les éclats de rire ou des exclamations comme celle-ci : Ça tombe bien ! ou Qui l’eût cru ? Ils étaient nos passe-temps à cette époque. Sans doute, le corps et les muscles avaient moins à s’y développer, mais l’esprit y avait tout de même sa part, et ce n’est pas à dédaigner. Mais où sont, ’’vierge souveraine’’, mais où sont ’’les neiges d’antan ?’’ La plupart de ceux qui faisaient partie de ces joyeuses réunions sont morts, quelques-uns seraient même déjà plus que centenaires… Nous avions aussi des parents dans les environs de Marcigny. A Sary, par exemple, nos cousins les Raviers du Magny possédaient un domaine d’environ 200 hectares, ils appartenaient à une ancienne famille du pays. Leur château était un des rares manoirs de la région qui possédât encore son pont-levis. Voir le pont-levis et se faire expliquer son fonctionnement était pour les invités, une des attractions de la journée. Une demoiselle Ravier ( de Montgirod par sa mère ) était devenue notre arrière-grand’mère. Le vieux ’’père’’Ravier du Magny, comme nous l’appelions, avait porté le petit Raphaël, à Marcigny, sur les fonts baptismaux. Comme il était fort âgé, mon père craignait qu’il ne me laissât tomber ( aurait-ce été bien dommage ? ) et demanda à son domestique de l’aider, en mettant ses bras par dessous, mais l’ancêtre me tint fermement. Il mourut 6 ans après, à l’âge de 93 ans, sans avoir eu le temps de faire beaucoup de cadeaux à son petit filleul. Doublement désolé. Son fils Emile du Magny eut deux enfants, Madeleine qui passa sa vie à se dévouer aux œuvres lyonnaises et Pierre qui lui aussi s’est occupé beaucoup des œuvres. Il épousa Anne Dugas ( de St Chamond ) au moment où le gouvernement de la République voulut imposer à l’église les cultuelles. Il fut choisi par les jurisconsultes catholiques comme délégué près du St Père. Le ménage n’a pas d’enfants. Il n’existe pas d’autres Raviers du Magny. Pierre Ravier du Magny, devint un jurisconsulte éminent, professeur de droit à la faculté catholique de Lyon. Sa thèse de doctorat en droit fit sensation dans le monde du Barreau(1) (1) Il se décida assez tard à écrire cette thèse, ce fut je crois vers 1927. + Il y donna un aperçu intéressant sur le maquis de la procédure juridique, au temps de la révolution, en sorte que le plus honnête homme du monde pouvait alors se saisir de pièces compromettantes, afin de mieux assurer sa sécurité. Il y montra comment un magistrat, de ses ancêtres, reprit aux greffes du tribunal de Lyon un décret qui l’expropriait, comme noble, de son domaine de Sary. Il gagna ainsi un temps précieux jusqu’à la chute de la convention, alors les ’’ci-devant’’ nobles purent enfin respirer. Le domaine fut sauvé, et ses descendants l’administrent encore honorablement. 8 Pierre Ravier du Magny nous fut, au début, présenté par son père en ces termes « Voilà Pierre, mon bâton de vieillesse » Le nom de ’’bâton’’ lui resta, et ne sachant pas qu’il s’appelait Pierre, je crus naïvement, pendant quelque temps, qu’il s’appelait ’’ mon bâton’’ ( suite le prochain cahier ) Souvenirs – Généalogie tome 2/3 Appartenant à R.P Raphaël Orsel des Sagets Sous la sauvegarde de marie Nos cousins Bonnardet A St Germain Lespinasse, nous avions d’autres parents, c’étaient les Bonnardet. Notre grand’mère Amélie des Sagets, était la sœur du propriétaire d’une coquette villa ( les Oliviers ) à St Germain. Son nom était Maurice Bonnardet, lui-même s’était marié à Anaïs O’Méade, dont les ancêtres d’origine irlandaise avaient aux siècles passés émigré en France. Elle lui avait donné 2 enfants. L’aînée, Camille, s’était faite religieuse de l’Assomption, elle devait mourir à Nice en 1898, L’année de ma profession (1) C’est dans cette propriété de St Germain que nous passions, chaque année, quelques jours de repos et de saines distractions. Quelle joie pour la famille, quand on allait voir ’’ l’oncle Maurice’’ ! A cette époque, les autos n’existaient pas, on faisait en voiture les 17 km qui nous séparaient de St Germain. Ce voyage était un événement, dès la veille les parents prévoyaient tout, jusqu’aux moindres détails, il ne fallait rien oublier, objets de toilette, petits cadeaux à donner à nos hôtes, semis de plantes, recettes de cuisine, etc… Le cheval recevait double ration ce jour là. Le break qui contenait 10 places était presque toujours rempli, car la visite se faisait au temps des vacances. Et quelles recommandations notre mère ne nous faisait elle pas ! il ne fallait pas parler sans être interrogé, à table il fallait bien se tenir et prendre de tout… Pendant environ 10 ans, Fanfare ( c’était le nom de notre cheval ) accomplit vaillamment son étape. Nous partions vers 8h du matin et nous arrivions entre 10h1/2 et 11 heures. Il faut dire que notre Fanfare, très résistant, il est vrai n’était guère brillant d’allure, car on l’emploi aussi bien au chariot et au tombereau qu’à la voiture. (1) Un jour c’était en 1895, si je ne me trompe, elle me rencontra dans un compartiment de chemin de fer, et me reconnut à ma photographie. ’’Tu devrais entrer chez les Pères de l’Assomption’’ me dit-elle après s’être assurée de mon identité. Je ne sais pas comment les choses se firent, elle dût certainement prier pour moi, mais j’y entrai 3 ans après, et j’y suis encore, depuis 42 ans. + Une année seulement, la visite à St Germain fut anticipée, c’était vers 1880, nous venions d’apprendre une fâcheuse nouvelle. Notre oncle Maurice, malgré ses 50 ans passés, aimait beaucoup conduire les chevaux fringants, il était sur la route de la Palisse, lorsque son palefroi eut peur du sifflement de la locomotive et s’emballa. Redoutant le pire, et se voyant dans l’impossibilité de maîtriser l’animal, notre oncle crut devoir sauter hors de la voiture, malheureusement ses jambes s’entravèrent dans les rênes et pendant 100 mètres environ il fut trainé à terre. Quand il se releva, il avait une jambe cassée (1). Des gens du pays témoins de l’accident, firent un brancard improvisé et le ramenèrent à la maison. Une dépêche nous fut envoyée et c’est dans ces tristes circonstances que nous allâmes apporter à la famille Bonnardet nos consolations. Notre mère, très affectionnée pour son oncle, lui prodigua les soins les plus empressés (2). Mais il fallait d’urgence faire une opération, l’os de la jambe fut légèrement raccourci et ressoudé. La soudure tint solidement, si bien que pendant plus de 35 ans qu’il vécut encore, il ne laissa pas de se livrer à sa passion favorite, la chasse, faisant encore d’assez fortes marches. Seulement, son accident l’ayant rendu prudent, il acheta un cheval de tout repos, nommé Coco, âgé de plus de 18 ans, déjà perclus de rhumatismes. Notre oncle l’attelait, et lorsque nous projetions quelque sortie avec nos deux voitures respectives, la lenteur de Coco faisait notre désespoir, et nous n’avions pas assez de lazzis à l’endroit de cette rossinante. Il y aurait encore bien des choses à dire sur St Germain et sur nos rapports avec nos parents de là bas, mais il faut savoir se borner. Bref, l’oncle Maurice eut le bonheur de voir grandir ses petits enfants, et même ses arrière petit neveux, il mourut avant la grande guerre, à 90 ans passées, dans sa ville des Olivions (3). Son petit fils, Maurice avait embrassé la carrière militaire, ses petites ________________________________________________________ (1) Il prit dès lors l’habitude de dénouer les rênes du cheval afin de n’être plus exposé à semblable accident. (2) A cette occasion, je me souviens que la tante Anaïs, pour l’empêché de trouver le temps long, lui avait mis son petit caniche minuscule au font du lit, et quand nous entrâmes, je fus très intrigué et même effrayé par ses aboiements, car je ne voyais aucun chien dans la chambre. (3) Prière de donner la date exacte, si on la connaît. + 9 Camille, Madeleine et Elisabeth restèrent longtemps auprès de lui et consolèrent ses dernières années. Ajoutons aussi que la famille Perroy habitait alors St Germain-Lespinasse, nous les rencontrions parfois chez l’oncle Maurice, ne nous doutant pas alors que nos deux familles s’uniraient par les liens du mariage.
lecture compléte Souvenir Généalogique
Famille Orsel des Sagets Télécharger le PDF ci(dessous